mardi 28 octobre 2014

A la découverte de l'Empire du milieu

Apres six semaines sans nos Papillons, on est ravi de les retrouver pour parcourir les derniers kilomètres qui nous mènent vers la Chine. A nouveau sur les contreforts du Pamir, nous vivons une de nos journées les plus belles du voyage avec un décor de montagnes blanches majestueuses et merveilleuses. D'émerveillement en exclamations, extase et magie nous bercent sur ce haut plateau.






Le passage de la frontière se fait en plusieurs étapes. On doit passer deux fois nos sacoches au rayon X et montrer nos passports un nombre incroyable de fois. 
140km se font obligatoirement en taxi. Nous sommes trois cyclistes pour un petit coffre et un chauffeur sûr de lui... Nous assistons à la fabrication en direct d'un "sandwich de vélos". Un peu d'appréhension mais tout se passe bien, heureusement que la route a été refaite récemment. Grâce à un Bernois croisé au poste suivant, on pedale nos premiers kilomètres en Chine un Ricola en bouche. 

On file sur l'autoroute, sans vraiment s'en rendre compte. Après une nuit sous la route (barbelés empêchant un bivouac plus lointain...), on atteint Kashgar, ville mythique de la route de la Soie. On en avait entendu des remarques plutôt négatives, mais on doit dire qu'avec nos yeux à s'émerveiller de tout, on est fasciné par l'endroit, et surtout par la vie qui se dégage ici. 

Tout est nouveau en Chine, à commencer par la langue et l'écriture. Les accents et intonations sont difficiles à apprendre. Quand on nous demande d'où on vient, ou plutôt lorsqu'on imagine qu'on nous pose cette question, il n'y a que de rares fois où la réponse est comprise à l'oral, on finit donc par montrer le mot écrit, ils le disent, et on doit dire qu'on avait l'impression de dire pareil. Il faut croire que non.

Le marché de nuit est une belle decouverte. Une place sans prétention la journée se transforme en vrai rassemblement le soir. Arrivent de je ne sais où divers stands de nourritures dont les proprietaires crient pour attirer les nombreux Chinois qui viennent souper là. Des jeunes, des moins jeunes, des enfants, des hommes, des femmes, chacun trouve sa place dans ce capharnaum harmonieux et déambule à travers les stands et les petites tables disposées en se demandant ce qu'il pourra bien goûter. 


Des nouilles de toutes sortes aux sauces délicieuses, LA fondue chinoise version géante dans laquelle tu choisis tes brochettes, champignons aux formes abracadabrantes, tofu, légumes, viandes, poissons, fleur de lotus. Aussi du riz, des pois chiches, des mais, et des brochettes dont je ne préfère parfois pas savoir la contenance. Au total, un grand choix végétarien, ce qui n'est pas pour me déplaire, après l'Asie centrale. On finit par du melon ou de la pastèque vendus à la tranche. 



Dans certains restaurants, il y aussi les plats au wok.Toutes sortes de produits frais sont présentés, tu mets ce que tu veux dans un bol, et on te les cuisine de facon savoureuse, toujours.
Et tout ca, à deguster avec les baguettes bien sur. L'eau chaude (et parfois le thé) sont également servis de facon automatique sur les tables.

Kashgar, le dimanche, c'est aussi le marché aux bestiaux le plus grand d'Asie centrale. Des milliers de vaches, taureaux, moutons, chèvres, ânes, chevaux, poules, dromadaires et chameaux se cotoient. Ca crie, ca marchande, ca mange, ca crache, ca teste les montures, ca tâte les bêtes, ca klaxonne. C'est intéressant d'assister à ce genre de marché qui non plonge dans un monde totalement différent, mais c'est aussi difficile pour moi de voir ces animaux qu'on suspend, qu'on attache, qu'on tire, et qui n'ont pas l'air vraiment heureux... comment le pourraient-ils d'ailleurs. 
Les meilleurs à observer sont les chameaux, avec leur air nonchalant et une sorte de passivité dans leur attitude. 







Puis, pour se reposer de toute cette agitation, on se perd dans les ruelles de ce qui reste du vieux Kashgar où on peut observer des hommes fabriquant des clous à la main, d'autres sculptant le bois pour en degager des beaux petits objets. Aussi des "magasins de magicien", chacun tenu par un vieux monsieur avec une barbe frisée blanche et un chapeau. De nombreux pots remplis de produits spéciaux comme des serpents séchés, des lézards ou des carapaces de tortues. 
C'est vivant, et on aime s'impréegner de ces ambiances, et l'arrière fond en immeubles modernes n'y change rien. 




Chaque pays a ses particularités. Un de la Chine, et pas le moins important pour les petits et lents cyclistes que nous sommes, est sa taille (environ 230 fois la Suisse...). On a eu besoin de 2 semaines pour traverser la Suisse, je vous laisse calculer le temps qu'il nous faudrait pour la Chine...

On expérimente donc le train couchettes puis les "hard seat", ou c'est bondé en cette semaine de vacances nationales (moins drôle...) pour les 50 heures de traversée du désert du Taklamakan. On finit par un bus couchettes pour atteindre la ville Yushu à 3680 mètres, près de la frontière du Tibet. Après un an en pays musulman, le contraste est de taille. On est comme propulsé dans un autre monde. 
Sur les versants des montagnes, de part et d'autres d'une rivière, sur les cols, des guirlandes multicolores de drapeaux de prières flottent au vent, celui-ci envoyant et propageant les prières par delà les vallées et montagnes. 

Leurs couleurs signifient rouge pour le feu, blanc pour l'espace,
jaune pour la terre, bleu pour l'eau et orange ou vert pour la forêt,
les arbres et les cultures
.

Ce qu'on pourrait prendre pour des tas de pierres, sont souvent des murs de mani, dont les pierres portent l'inscription "Om mani padme om", une prière fréquemment murmurée par les gens (litterallement:" salut ô joyaux dans la fleur de lotus").  Ces murs doivent être contournés dans le sens des aiguilles d'une montre afin de réduire le temps qui nous sépare de l'accès au nirvana, après les multiples réincarnations.

murs de mani
moulins a prieres "hydrauliques"

Sur les routes, on a parfois l'impression que le klaxon est connecté a l'accélerateur... Pour avertir de dépassement, en cas de croisement, s'il n'y a pas de visibilité, pour dire bonjour, toute occasion est bonne d'utiliser cet instrument. Si c'est une signe de sagesse que d'y être indifférent, et bien j'ai encore du travail. 




On monte sur le plateau tibétain, à plus de 4000 mètres où les vaches laissent place aux yacks et aux nomades. On roule une bonne semaine là haut. On pensait avoir atteint un maximum d'altitude au Pamir, mais non, la vie, ou plutôt la route,  réserve toujours des surprises. On grimpe, on grimpe pour atteindre un col coloré à 4700 mètres. Des moines sortent de leurs voitures et jettent des poignéees de petits papiers recouverts de prières qui s'envolent au vent.


Les rapaces à l'envergure immenses volent au-dessus de nous. Les chiens de terrier sortent la tête et nous observent par centaines dans ces grandes prairies. 


Un grand nombre de routes sont en construction, hommes et femmes travaillant ensemble. C'est la première fois qu'on voit des femmes travailler dans ce type de tâche, à l'équivalent des hommes. Lorsqu'on traverse des villages, on observe souvent les gens qui travaillent ensemble à la construction de nouvelles maisons. Le travail collectif a l'air d'être de mise. 





Le long de la route, on peut admirer un grand nombre
de monasteres, ou gompa,
 accroches sur les montagnes avec leurs toits dores
et leurs nombreuses maisons alentourspour les moines.

On laisse nos vélos dans la ville de Maniggango, atteinte en camion-stop - on aime bien varier les moyens de transport -, pour se rendre à Dege par une piste sublime, aux longues courbes, pour atteindre un col à plus de 5000 mètres. A Dege, on peut visiter une des trois plus importantes imprimeries tibetaines du monde qui existe depuis le debut du 18e siècle. Des hommes y travaillent par groupe de quatre. L'un s'occupe qu'il y ait toujours un papier ou un tissu d'impression, un autre va chercher les presses qui sont rangées dans des grands étalage sombres et les deux derniers s'occupent de l'impression elle-même. Leurs gestes sont rapides et précis, pour mettre le papier, étaler l'encre, passer un coup de rouleau et retourner les papiers pour imprimer l'autre face. Leur corps bouge d'avant en arrière en récitant des mantras. Ils ne sont que très peu payés mais ce travail est considéré comme très positif pour le Karma. 
Par paire, ils peuvent imprimer plusieurs milliers de feuilles par jour. 




Un après-midi, on trouve une piscine chaude naturelle à côté d'un monastère. On en profite pour se doucher et faire notre lessive, comme les locaux et moines qui se frottent le dos parmi. L'eau est claire, mais les alentours sont jonchés de déchets. Il faudrait revenir dans 20 ans pour voir comment cela évolue. 



Avant la ville de Litang, on rencontre trois cyclistes chinois se rendant a Lhassa. Ils sont beaucoup à faire cette route mythique. Nous voyons toutes sortes de pélerin, entre les vielles dames avec un gros sac et ceux qui se prosternent à chaque pas avec des plaquettes de bois sur les genoux et les mains pour se protéger.

 Là, nous avons le choix entre un col en piste poussiéreuse ou un tunnel en construction. Ces trois ont l'air de savoir ce qu'ils font et nous les suivons dans ce souterrain. Des machines, quelques personnes au travail, des trous, beaucoup d'eau qui coule, peu de lumière, mais après 3km, nous sommes contents de retrouver la lumière du jour!

De là, il nous faut à nouveau prendre les transports pour descendre plus au sud dans la province du Yunnan, notre visa expirant bientôt, il faut trouver une ville pour le prolonger. Des trajets superbes avec nos vélos sur le toit ou dans un coffre. Des champs de pierres, des mélèzes orangés de toute beauté, des gorges profondes, des cols, ce n'est jamais vraiment plat par ici. 

Apres deux jours de trajets, on atteint la ville de Shangri La, à la frontière de cette nouvelle province.

samedi 20 septembre 2014

Au pays des chevaux

Depuis Osh, nous prenons un taxi collectif pour monter a Bishkek, la capitale du Kirghizstan. Nos vélos restant sagement a l'hôtel jusqu'à nouvel ordre… Depuis quelques mois, nous savons en effet que des amis de Suisse nous rejoignent pour 2 semaines d'alpinisme dans les montagnes des Tian Shan. Retrouver des proches apres tous ces mois sur la route est toujours un événement particulier que l'on fete dignement selon les coutumes locales. Ici, c'est shashliks, plov et vodka

Avec l'aide d'une agence locale (tenue par un Valaisan!), nous partons a l'est du pays pour monter un camp de base dans une vallée sauvage hors des sentiers battus. Nous montons avec Aziz et ses trois chevaux (il en faut du matos pour gravir les montagnes!) ainsi que Shamil qui restera tout le long avec nous comme cuisinier. Une belle marche le long d'un torrent, entres des épicéas bien pointus et des chevaux en semi-liberté, et puis nous posons notre camp de base au bas d'un glacier, vers 3400m d'altitude. De la, nous voulons explorer les environs et gravir les sommets qui nous semblent a notre portee (c'est ma premiere expérience en haute montagne…) pendant les 2 prochaines semaines. 




Oui, mais... En montagnes, la météo joue un role important, surtout lorsque l'on marche sur des glaciers et que l'on ne connait pas du tout le terrain. Sur les six premiers jours, nous avons 5 jours de très mauvais qui nous bloquent sous la tente principale presque tout le temps… Shamil, qui cuisine les pieds dans la neige, réussit a nous concocter des merveilleux plats qui nous mettent de bonne humeur malgré les conditions. L'aventure prend donc une tournure "yass et discussions" plutôt que "crampons et sommets"! C'est sympa aussi, mais lorsque 50cm de neige fraiche tombent le 6eme jour (les Kirghizes n'avaient jamais vu ça sur les 40 dernières années!), on décide de redescendre dans la vallée pour changer de plan.



Réveil sous une jolie couche de neige, en plein mois d'aout!

Petit passage par Bishkek puis direction la vallée d'Ala-Archa, au sud de la capitale, ou quelques sommets nous font envie. Cette fois le soleil est au rendez-vous et je peux gouter aux joies d'un réveil a 3h et d'une heure de marche nocturne a travers un pierrier, passage obligé pour ne pas tenter le sommet a une heure trop tardive. L'effort est récompensé par les premiers rayons du soleil qui viennent illuminer les hautes cimes alentour alors que nous marchons encordés sur une pente raide de glace. Pas de bruit sinon ceux des crampons qui s'enfoncent dans la glace et quelques cris de choucas qui voltigent dans cet environnement de roches et de neige a plus de 4500m. Les derniers 50m sur une arête un peu trop délicate ne se feront finalement pas, mais cela n'enlève rien a la majesté des lieux et a la fierté de l'équipe unie dans l'effort.

Derniere pente bien raide avant le col



Nouveau passage a Bishkek ou nos amis retournent en Suisse et ou on change de guesthouse. A l'AThouse (voir instantanés), nous retrouvons Nina et Tinu, des cyclos suisses deja rencontrés en Turquie et en Iran. C'est aussi quelque chose de fort de retrouver des amis de voyage. Avec eux, ainsi qu'avec un autre couple cyclo suisse-allemand, Anna et Lukas, nous partons découvrir quelques beautés du pays. 

Nous échangeons donc notre selle de vélo contre celle d'un cheval pour un trek de quatre jours vers le lac Song-Kol. C'est moins fatiguant qu'avec nos papillons, mais nous avons encore des progrès a faire au niveau de la conduite… Heureusement, nos deux guides, Bek et Rusland, nous aident lorsque notre cheval n'en fait qu'a sa tête! Le deuxieme jour, alors que l'on croit maitriser un peu mieux notre cheval, on galope a travers les prairies, se prenant pour des cow boys kirghizes! Les sensations sont nouvelles, excitantes, grisantes et a partir du premier galop, on n'a plus vraiment envie d'avancer au pas...


Nous dormons dans des belles yourtes, entourées par des centaines de chevaux, moutons, vaches qui broutent paisiblement. Le matin, c'est un régal que de rouler la porte d'entrée (et oui, on ouvre la porte d'une yourte en la roulant!) et d'apercevoir le bleu du lac, le vert des prairies, quelques chevaux et beaucoup de sérénité. Ce qui est un peu moins un régal, c'est la boisson national kirghize, le kumis. Il s'agit de lait de jument légerment fermenté, dont le gout, tres fort et acide, ne passe bien pour aucun de nous six... On se rabat donc sur le thé et la vodka...

Tinu, Nina, Delphine, Seb, Anna et Lukas! Une belle brochette de cyclos suisses!
Meme un superbe coucher de soleil n'arrete pas les chevaux de brouter...
Vue depuis l'interieur d'une yourte

Apres ces quatre tres belles journnées a dos de cheval, nous allons nous degourdir les jambes dans les montagnes de la région de Karakol, tout a l'est du pays. Il y a des airs de Suisse avec le torrent qui coulent entre les épiceas, les sommets blanchis en arriere-plan et la soirée au coin du feu, sous une petite pluie.


Nous montons vers un sublime lac glaciere, entouré d'éboulis, de pentes de neige; nuit tres froide, mais si belle avec la pleine lune et toutes ces étoiles qui nous observent. Sur la descente, nous admirons le vol majestueux d'un aigle, avant de retrouver le fond de la vallée et ... des sources d'eau chaude qui sont juste incroyables apres trois jours de marche. Dans le bain, la conscience du bonheur est la. Ou pas tres loin...


Magnifique campement a 3500m d'altitude




Au nord du lac d'Issyk-kul, nous nous arretons quelques jours a Cholpon-Ata ou des jeux nomades ont lieu. Plusieurs pays d'Asie Centrale se rencontrent dans des sports qui sont loin d'exister chez nous. Tres calme, le ordu est une sorte de pétanque qui se joue avec des os. On a regardé attentivement une partie, mais n'avons pas compris grand chose... Beaucoup moins calme, le kok-borou se joue a 4 contre 4 et peut se comparer a du rugby. Sauf que les buts sont une sorte de petit monticule en terre et que les chevaux remplacent les chaussures a crampons. Ah oui, petit détail encore, le ballon ovale est ici un mouton décapité...

Toute l'agilite des cavaliers dans le sport du kok-borou

Nous assistons aussi a une démonstration de chasse a l'aigle. Un petit loup est laché sur une prairie et le grand rapace n'a plus qu'a fondre sur lui. Cela ne prend que quelques secondes et l'aigle est dressé pour laisser le loup vivant. Cela permet ainsi de recommencer la démonstration plusieurs fois...  

Chasseur kirghize et son immense aigle

De retour a Bishkek, nous retrouvons l'AThouse et son ambiance "comme a la maison". Nous quittons Nina, Tinu, Anna et Lukas, chacun continuant son voyage dans une direction différente. Pour nous, la direction est autre que celle prevue initialement. Nous "devions" prendre un train pour Moscou puis rentrer tout gentiment vers la Suisse. Sauf que...
Sauf que durant ces 15 premiers mois de voyage, on a réalisé que la Route de la Soie ne s'arretait pas a Bishkek! Et puis on a simplement envie de continuer a voyager, découvrir ces routes et ces peuples d'extreme orient, gouter a d'autres cuisines, gravir de nouveaux cols, revoir la mer. Alors on continue, toujours plus vers l'est!

L'Empire du Milieu est a portée de roues et nous avons déja fait le plus difficile, a savoir obtenir le visa chinois. L'itinéraire prevu en prend donc pour son grade, mais ce n'est pas nouveau. Apres six semaines sans rouler, on a hate de retrouver nos papillons et de rouler en direction de Kashgar, une de ces ville dont le nom nous fait rever depuis longtemps.

Le fascinant bazar d'Osh ou nous remplissons nos sacoches avant de reprendre la route


PS: De nouvelles photos sont disponibles sur le diaporama! Et vous pouvez lire le dernier article du journal de Morges sur les parties turkmene et ouzbeque: http://www.journaldemorges.ch/node/5173 

mardi 5 août 2014

Pamir Highway

Les routes nous menent tranquillement de l'Ouzbekistan au Tadjikistan et sa capitale Dushambe. On y croise un grand nombre de cyclistes. Chacun a son parcours et c'est intéressant d'échanger avec les différents voyageurs. Apres quelques jours d'attente et de doute, le permis pour la route du Pamir ayant de la peine a etre délivré, on finit par obtenir le précieux papier nous permettant d'accéder a une route dont on reve depuis des mois.  La fameuse Pamir Highway, un défi pour un grand nombre de cyclistes. On comprend vite pourquoi elle attire tant de monde.

On profite de Dushambe pour se faire les papilles avec restaurants libanais et coreen au programme, les prochaines semaines risquant d'etre un vrai désert culinaire.


Depuis la capitale, nous prenons gentiment de la hauteur et goutons aux premieres joies d'une route qu'on pourrait plutot appeler piste... Apres un premier gros col, on atteint la riviere Panj, ou anciennement Oxus, faisant frontiere avec l'Afghanistan. On suivra cette frontiere naturelle durant presque 500km. Dans un large canyon, la route n'est jamais vraiment plate, avec toujours la vue sur la rive gauche. On y observe les villages, les femmes portant des tas de branches le long du sentier, les versants tres raides cultivés jusqu'a tres haut.



Campement avec vue sur un village afghan

Apres avoir passé Korogh, capitale de cette region, nous passons au marché d'Ishkashim situé sur une ile de la riviere ou les marchands des deux pays se retrouvent pour échanger (voir le dernier instantané de voyage).

Il fait bon se prelasser dans les sources d'eau chaude bordant la route

On choisit de quitter un moment la route principale pour une variante plus haute sur le long du corridor du Wakhan, longeant toujours la frontiere afghane. Apres quelques kilometres, c'est l'ouverture qui se fait sur cette vallée surplombée par les magnifiques sommets de l'Indukush dont la beauté pure et sublime nous fascine. Une fois le dernier village traversé, dans lequel nous faisons des réserve de nourriture pour trois jours, on commence une grande ascension vers un col nous permettant de rejoindre la route principale. La route qui était goudronnée par endroit et sableuse par d'autres devient completement une piste. Ca monte sec sur ces pentes mais un coup d'oeil a droite sur ce paysage de montagnes, nous conforte dans notre choix.

Ancienne forteresse de Yamchun avec l'Hindukush en arriere plan



Début de la longue montée a la fin du corridor du Wakhan


Puis tout a coup, sans que tu ne t'y attendes vraiment car tu pensais avoir fait attention a monter regulierement, l'altitude est la et c'est comme un coup de foudre, elle te fait bien tourner la tete. Tu ne peux plus rien faire, tu ne penses qu'a elle, elle omnibule tes pensées. Tu essaies de pousser ton vélo, tranquillement. en te disant que ca passera, mais non, elle est bien présente et ne te laissera pas faire. Il ne faut pas la provoquer, c'est elle qui commande dans ces cas la, une journée de repos s'impose. Ton corps en a besoin, et tu te laisseras meme convaincre qu'un petit médicament ne te fera pas de mal. Puis il faudra apprendre a remanger, car tu as juste envie d'un petit fromage de chevre frais qui ne se trouve malheureusement pas ici...
Le lendemain, c'est doucement, mais sans probleme, que le col est passe.
Bergeres aupres desquelles on se repose une journée

La tole ondulée (type de piste haie des cyclistes) avant, on n'était jamais vraiment surs de ce que c'était. Apres des semaines dans le Pamir, c'est bon je crois, on a bien compris, et a vrai dire, on aimerait bien ne pas devoir en savoir plus...

Apres ca, on retrouve la route principale qui est la bien goudronée. On a l'impression de voler jusqu'a Murgab, deuxieme "ville" de cette région.
La bas, on a droit a une bonne douche dans un hotel et le seul stand du marché ouvert, en raison de la fin du Ramadan, nous offre quand meme un petit choix de fruits et legumes frais qui nous feront le plus grand bien.
On trouve meme des oeufs et de la farine nous permettant de nous cuisiner des crepes au dernier campement a 4100m avant le col le plus élevé du voyage a plus de 4600m d'altitude.

Pas faciles les longues lignes droites avec le vent de face,
mais la cadre en vaut largement la peine!

Le lac de Karakol en vue, quelle beauté! A nouveau, le bleu nous fascine, cette fois-ci ce ne sont pas les faiences des monuements iraniens, mais ce bleu profond du lac, embelli encore par le contraste avec la plaine minerale et desertique, et qui s'accorde a merveille avec les sommets enneigés culminant a plus de 6000 ou 7000 metres en arriere plan. Quel bonheur! 

Lac de Karakol



Sur la route, c'est impressionnant comme les informations passent. On est plusieurs cyclistes en meme temps et on entend parler de ceux devant ou derriere lorsqu'on en croise d'autres. On se rend compte comment ca pouvait se passer sur l'ancienne route de la Soie, ou sans natel, ni connexion, les informations circulent. Bon, cela peut aussi preter a quelques fausses interprétations. 


Petit a petit, les kilometres se font et la frontiere pour atteindre le Kirghizstan se rapproche.
Quel contraste! Une fois la frontiere passée, c'est magique, le paysage devient plus vert, a mesure qu'on perd de l'altitude, on est entouré de prairies verdoyantes et on apercoit des yurts et un nombre incalculable de chevaux. On est vite arretes par des enfants et on goute au kumis, la boisson nationale, faite a partir de lait de jument fermenté. On y passe direct et il faut dire que ca ne passe pas (encore?) tres bien. On verra si on s'y habitue ou non.


La vue sur les hauts sommets s'éloigne, on perd de l'altitude, la végétation augmente peu a peu et on atteint la plaine et la ville de Osh. Des gens, du traffic, des marchés aux 1001 couleurs, un vrai lit, des restaurants. On se repose et on atterit gentiment de ces magnifiques semaines durant lesquelles le Pamir nous a fasciné
et fait rever.





mercredi 2 juillet 2014

Lentement, mais magnifiquement!

De temps a autre, on aime se poser la question "Qu'est-ce qu'on faisait il y a une année?". Cela nous ramene en Suisse, vers Chateau-d'Oex, Aubonne ou Neuchatel. On pense a notre famille, a nos amis, a la montagne ou a la peche. Mais depuis peu, les réponses a cette question sont plutot tournées vers le vélo, les bivouacs, un passage de col, une rencontre au bord de la route. Et oui, voila plus d'une année que nous sommes partis sur la Route de la Soie! On ne réalise pas du tout, mais on fait toujours de notre mieux pour profiter de chaque journée.

Si notre rythme est a classer dans les tres lents, il n'en est pas moins qu'a force de quelques dizaines de km par jour, on a fini par atteindre 10'000km !!! Ce passage mythique a eu lieu juste apres Samarkand, de quoi faire une petite photo au bord de la route devant des policiers ouzbeks plutot songeurs...


Et voila une premiere dizaine, une! Notez les 33 degres, mesures vers 19h...

Nombre de jours de voyage: 368
Nombre de jours où on a roulé sur nos vélos (au moins quelques kilomètres...): 210

Kilomètres parcourus: 10'412

Moyenne journalière (total): 28,3km
Moyenne journalière (jours roulés): 49,6km

Plus longue étape: 131km (Turkmenistan oblige...)

Étape la plus courte: 4km (On s'améliore, on s'améliore...)

Dénivellation positive: 98'694m

Dénivellation négative: un tout petit peu moins que la montée. 
Montée la plus raide: 18% dans le col Carnizza juste avant la Slovénie
Descente la plus raide: 19% juste après Saanenmöser, en Suisse (Ca tient toujours!!!)
Vitesse maximale: 84,2km/h (Seb) et 77,2km/h (Delphine) dans un raidillon splendide au nord de l'Iran

Nombre de crevaison: 1 (Delphine)
Nombre de pastille de micropur utilisées: 0 (On fait confiance a notre odorat et ca marche bien jusque la!)

vendredi 20 juin 2014

Au coeur de la Route de la Soie

Dimanche 15 juin. Nous roulons depuis une bonne heure sous un soleil matinal deja chaud et avec un léger vent de face. Soudain, juste apres un pont, un panneau tout en hauteur et peu voyant est placé sur la droite de la route. Dessus, neuf lettres blanches sont écrites a la verticale. Neuf lettres qui nous font rever depuis des années et qui nous font avancer depuis des mois. Samarkand. La ville mythique qui a fait la légende de la Route de la Soie et que nous atteignons apres presque une année de voyage. Un reve se réalise.

Ce minaret a tellement impressionne Genghis Khan
qu'il n'a pas pu le detruire, au contraire du reste de la ville...

Mais avant d'atteindre Samarkand, c'est une autre ville mythique de la Route de la Soie qui accueille nos deux vélos: Bukhara. Apres l'éprouvante traversée du Turkmenistan, cette ville nous apparait comme une oasis de repos, de fraicheur et de trésors architecturaux. Dans la magnifique cour intérieure de notre hotel datant du XIXeme siecle, nous essayons de prendre conscience de notre arrivée en Asie Centrale. Meme au rythme du velo, il est parfois bon de se poser pour essayer de prendre conscience du chemin parcouru. Mais pour etre honnete, ce n'est pas vraiment facile... Et puis on sort se balader entre les minarets en briques aux dessins géometriques en nuances de bleus, les medrese (écoles coraniques) qui respirent la sérenité depuis des siecles et les mosquées qui rivalisent d'élégance avec celles de Turquie et d'Iran. On sent alors bien que l'Europe est loin. Tres loin...

Meme le sourire est dore en Ouzbekistan!

Le hasard fait bien les choses puisque durant notre séjour a Bukhara se tient le festival "soie et épices". Habits colorés, danses traditionnelles et odeurs de cumin, cardamome et clous de girofle envahissent les rues qui sont habituellement bien plus tranquilles. Le spectacle final qui a lieu sur la majestueuse place du Kalon nous réserve quelques surprises. La plus folle étant ces deux airs d'opéra italien chantés en playback par un Ouzbek en costard...


Une petite cycliste au milieu de la majestueuse place du Kalon a Bukhara


Pour rallier Samarkand, nous choisissons une petite route au nord pour éviter la "Voie royale", plus directe et plus plate. Alors qu'on est si pres de Samarkand, que l'on pense a cette ville depuis pres d'une année, voila que l'on fait un détour! Il faut dire que nous sommes curieux de traverser des villages ouzbeks et que l'on veut prendre le temps de se réjouir de notre arrivée a Samarkand. 

Regard d'Ouzbek

Regard d'Ouzbek


On n'est pas décu de notre choix puisqu'un petit col nous ammene sur un immense plateau aride entouré par deux petites chaines de montagnes. Klaxons et gestes amicaux de la main saluent notre passage dans les quelques petits villages que l'on traverse. La chaleur est désormais tres forte et nous devons adapter notre rythme a celui du soleil. Départs tot et longues pauses de midi, la ou un peu d'ombre est disponible. Sous un murier planté au milieu d'un village, on se fait cuire des oeufs sous le regard bien curieux d'enfants qui sont apparus des maisons alentour. Ils ont appris quelques mots de francais a l'école et un joli petit échange se fait au fil des heures. Il faut voir leurs bouilles s'illuminer lorsqu'on leur laisse faire un tour avec nos vélos! Ils touchent a peine les pédales, mais font preuve d'une belle maitrise.


La belle ligne droite!


"Mecano" et ses aides lors d'un controle de routine...


Dans un gros village, nous nous arretons devant un petit magasin pour faire quelques course. Vient alors un grand-pere parlant russe qui nous embarque pour boire un thé. Son petit-fils Ali parle un peu anglais et assez vite, on se retrouve chez eux en tant qu'invités d'honneur. On nous sert les plats nationaux que sont le shashlik (brochettes de viande) et le plov (riz, carottes, oignons et morceaux de viande, le tout bien huileux), accompagné de pain rond que le jeune Ali rompt pour nous selon la tradition. Nous sommes seuls dans une petite piece et on se laisse faire par l'incroyable gentillesse de notre hote de 17 ans. Comme en Turquie et en Iran, le thé est roi, mais ici, il est vert et servi sans sucre dans des jolis petits bols. Une fine natte colorée est étendue sur le sol et nous voila prets pour passer notre premiere nuit chez l'habitant en Ouzbekistan.


Accueil ouzbek dans la famille d'Ali


Et puis c'est Samarkand... Nous nous dirigeons tout de suite vers la fameuse place du Registan pour tester notre émotion qui ne tarde pas a vite déborder. On peine a réaliser que nous sommes arrivés ici a la force de nos mollets et qu'il a fallu gravir quelques montagnes, faire face au froid, au chaud et au vent avant de pouvoir poser notre regard sur ces splendeurs. L'experience est forte et vaut a elle seule le voyage. 

Nous voila sur la place du Registan a Samarkand, un reve se realise!

On nous avait prévenu que Samarkand peut sembler un peu surfaite, trop propre et en manque de vie. C'est vrai pour le centre ou il n'est pas des plus intéressant a se balader au hasard en regardant la vie passer, comme c'est le cas a Istanbul par exemple. Mais les sites datant pour la plupart de l'époque de Tamerlan sont de toute beauté et d'une impressionnante grandeur. Bien restaurés (trop disent certains), ils sont les témoins de l'ingéniosité des architectes et de la patience des artistes de l'époque. 
Mais lorsqu'on parvient a atteindre les ruelles des vieux quartiers, cachées intentionnellement par le gouvernement derriere des murs et des grandes portes, on trouve une ambiance plus vivante avec des vieux qui jouent aux cartes en buvant de la vodka, des enfants qui courent dans les rues avant de sauter dans des bassins a motié nus et des femmes qui reviennent du marché chargées de sacs en plastiques. Il y a des trous dans la route, les arbres peinent a pousser, certaines maisons sont en chantier, mais c'est la la vraie vie des habitants de Samarkand. 

Un mausolee de l'ensemble Shah-y-Sinda

Petite pause dans une des trois medrese de l'ensemble du Registan

Entre nos visites culturelles, nous passons beaucoup de temps dans la cour ombragée de notre hotel. D'autres voyageurs au long cours sont la et c'est un bonheur que d'échanger nos impressions et nos bons plans autour d'un thé ou d'une biere. Avec d'autres cyclovoyageurs de la Route de la Soie, on se commméore la dure traversée du Turkmenistan, l'accueil des Iraniens, la richesse de la Turquie, les baignades dans les Balkans... Tous ces souvenirs qui s'accumlent dans nos tetes et qui sont prets a jaillir lorsqu'un élément s'y rapporte.
Et parce que ca faisait longtemps (mais surtout parce que ca nous faisait envie!), on s'offre une petite dégustation de vins ouzbeks. Tres sucrés et bien alcoolisés pour la plupart, ce qui n'aide pas a nous défaire de nos sourires... Et c'est tant mieux!

Degustation de vins locaux. 10 verres, ca fait pas mal...