jeudi 20 mars 2014

Derniers kilomètres en Turquie


On rejoint la ville de Sanliurfa, au sud, en bus. On y retrouve des amis rencontrés par couchsurfing à Konya quelques mois auparavant. On vit comme dans une petite collocation pendant quelques jours et ça nous plait bien.
On apprécie les ruelles claires de cette ville aux maisons anciennes. Le bazar est lui aussi fascinant et on voit de nombreuses femmes aux robes bien colorées.



De petites terrasses dans la cour intérieure d'un ancien caravansérail incitent au backgamon et à la lecture.




Urfa est aussi une ville de pélerinage. En effet on raconte que le prophète Abraham y serait né. On peut y visiter la grotte dans laquelle il était caché les premières années de sa vie. Au centre, dans le grand parc où les habitants prennent le soleil et pique-niquent, il y a deux petits bassins avec des carpes sacrées. Comme Abraham détruisait des dieux paiens, il a été immolé mais Dieu a transformé le feu en eau et les braises en poissons. Dans ces bassins, on voit donc des carpes bien nourries par tous les "fidèles" qui n'osent pas les toucher car cela les rendrait aveugles.




Un soir, on s'occupe du repas. Il existe un four collectif de quartier (celui de la boulangerie) dans lequel chacun peut amener ses plats à faire cuire. On en profite pour cuisiner un gratin de pommes de terre (ou de la crème avec des patates...). C'est toujours un plaisir d'avoir un four à disposition... On passe un bon moment avec ces boulangers aux gestes rapides et efficaces pour confectionner pide (genre de pizza turque) et pains plats en grande quantité.
On s'essaie même à la formation de deux galettes.


Durant le souper, un ami parlant kurde étant présent, on lui demande la traduction de quelques mots qui nous paraissent importants pour la suite du voyage. On se rend compte que notre vocabulaire turc s'est bien étoffé en quelques mois et qu'il ne sera pas évident d'apprendre tous les équivalents en kurde si rapidement. Mais ça fait plaisir de se rendre compte de l'acquis. Dans cette partie de la Turquie, un grand nombre de Turcs parlent turc, kurde et arabe.
On passe un bout de soirée dans un petit pan d'escalade installé dans un hangar par les 2-3 grimpeurs de la ville. C'est chouette de pouvoir découvrir ce genre d'endroits auxquels on n'aurait pas accès (ou plus difficilement) en ne voyageant qu'en hôtels. Pas trop grimpé mais les bras s'en sont souvenus longtemps...




Apres quatre belles journées en colloc, on décide de rentrer en autostop. Apres deux voitures, on a droit a notre baptême de camion, sous la pluie. Quand je lui demande s'il y a beaucoup de femmes chauffeurs en Turquie, il me répond que non et me demande si je veux essayer....Surprise, je ne comprends pas tout de suite puis accepte. Je prends le volant pour 1km sur la bande d'arrêt d'urgence tout lentement. Il n'a pas l'air si rassuré et répete plusieurs fois "yavash yavash" (lentement, un mot qu'on a assez vite appris en Turquie pour parler de notre rythme de voyage...).


On reprend nos vélos qui hibernaient depuis presque 10 jours... On ne les sort peut-être pas assez...Direction Mardin toujours plus à l'est. Des sacs d'oignons sur la route nous indiquent un vendeur un peu plus loin. Il nous invite pour le thé et à partager son repas. Deux plats, l'un composé d'aubergines -les meilleures que j'ai goûtées depuis le début du voyage- et l'autre, une sorte de purée de pomme de terre. Un vrai repas de végétarien :-). C'est un vrai régal, préparé par une de ses deux femmes.

On atteint sous la pluie la ville de Mardin où on trouve un trafic dense et des forces de police bien présentes. Erdogan, le premier ministre y est en visite. On a croisé une foule similaire quelques jours avant à Urfa alors qu'il était la bas. Campagne politique importante pour les élections de la fin du mois. C'est un vrai spectacle que d'observer un agent de circulation essayant, parfois en vain, de faire son travail.



Chaque parti a sa musique et on croise souvent des camionnettes recouvertes des élus, hauts-parleurs aux maximum, allant de ville en villages pour distribuer des tracts et des bonbons.
On découvre la vieille ville d'abord sous la pluie. On se réchauffe derrière l'échoppe d'un vendeur d'ustensiles divers dont certains pour les ânes qui transportent encore les marchandises dans les ruelles étroites de ce marché ou font office de "camions poubelles". Apres avoir terminé le thé qu'il nous a commandé, avec son air malicieux, il remplit nos verres de vin syrien fait maison et stocké dans une vieille bouteille de coca...



Le soleil finit par se montrer et nous permet d'apprécier davantage cette jolie petite ville accrochée au flanc d'une colline surplombant les plaines infinies de la Mésopotamie entre le Tigre et l'Euphrate en direction de la Syrie.




Sur notre route en direction de Midyat, on boit un café chez un professeur d'anglais venant de Syrie. On échange un peu sur l'islam. Il nous explique que c'est respecter les femmes que de ne pas les envoyer travailler car après, elles seraient trop fatiguées pour s'occuper de la maison et des enfants. Je lui parle de la répartition des tâches mais c'est un concept qui parait inconcevable. Puis il n'a pas confiance en les autres hommes qui pourraient travailler avec elle et s'en rapprocher. Il dit qu'il faut lutter contre le mal en nous.
C'était assez spécial comme moment, et d'autant plus que cette dame était là, adorable, à nous servir café et fruits mais ne comprenait pas ce qui se disait. Et il parlait d'elle comme si elle était son appartenance et que lui devait décider ce qui était bon pour elle ou pas.
Difficile pour moi de ne pas juger quand on nous exprime si clairement les faits et qu'ils vont complètement à l'inverse de l'idée que je me fais du couple.

Puis en arrivant dans une autre petite ville, on croise plusieurs femmes portant la burqa sans même cette grille pour les yeux, leur visage est complètement recouvert, du noir de la tête aux pieds. C'est la première fois depuis le début du voyage et ça ne m'est pas facile de faire comme si de rien n'était. On m'avait dit que dans le coran il est écrit que la femme devait être couverte (comme dans la Bible d'ailleurs, les habits des nones est d'ailleurs bien ressemblant si ce n'est le visage découvert), mais il n'est pas question de se couvrir le visage.
Est-ce une volonté des femmes de se couvrir ainsi ou juste l'obéissance à des hommes qui ne veulent pas qu'elles se "dévoilent" à autrui? D'où vient cette tradition qui cache les femmes?
Je n'arrive pas à accepter ou comprendre cela. J'aimerais bien avoir le point de vue d'une femme là dessus, surtout pour le port de la burqa, mais j'ai l'impression que si elles parlent anglais et ont une certaine éducation, c'est qu'elles ne sont pas dans un mode si traditionnel.

Et si on doit cacher les femmes au regard des hommes, est-ce qu'on considère que l'homme a un comportement si instinctif qu'il ne peut se contrôler? C'est une bien triste image à mon goût. Je ne connais certainement pas du tout assez le sujet et tout ce que cela représente mais j'ai été ces quelques jours assez troublée par ça rajouté au fait que depuis quelques mois, c'est quand même le plus souvent au près de Séb que les hommes s'adressent et que cela devrait continuer.



A une station essence, on nous propose la salle de prière pour poser nos matelas et sacs de couchage. On accepte avec plaisir et encore plus quand on voit le ciel devenir noir et la pluie commencer à tomber. Après avoir mangé, le patron nous prie de venir vers lui et on passe la fin de soirée à siroter vins et bières assis sur des journaux au sol dans les toilettes. Décidément, les Turcs n'arrêteront pas de nous surprendre.

Une fin d'après-midi, on découvre le monastère de Morgabriel au milieu d'un cadre naturel magnifique entouré d'amandiers en fleurs et de pistachiers. On est ravi quand le guide nous ayant mené dans les différents parties du  monastère nous ouvre une petite pièce où nous pourrons passer la nuit.
C'est encore un beau contraste dans les nuits et on a parfois l'impression que les journées se démultiplient quand on compare les endroits où nous sommes le matin et le soir par exemple.



On partage le repas en silence avec l'évêque, des moines et autres personnes dont un Suisse de Sargans venu là pour apprendre à lire et écrire l'araméen qui est instruit ici. Comme c'est le carême, leur repas est léger et sans viande. Comme on est des invités, la notion de léger est oubliée pour nous et c'est une double part dans nos assiettes... Comme ils attendent que le dernier ait fini pour la prière de fin, on pourra dire que c'était notre repas le plus rapide...



Le lendemain matin, on se lève avant 5h pour assister au premier office.
Ces quelques heures font contraste avec l'accueil que nous réserve les petits enfants à l'extérieur en essayant de nous viser avec des cailloux et en me criant des gros mots. On avait lu ça sur des blogs de cyclistes traversant cette région. Heureusement pour nous, ils ne visent toujours pas très bien. Séb s'est arrêté pour leur demandé s'il y avait un problème et tenter de leur expliquer (en turc!) que c'était pas forcément une très bonne idée...



Les limites de la Turquie se rapprochent. On est tout proche de la frontière syrienne notre avant dernière nuit et c'est d'ailleurs chez trois jeunes syriens que nous sommes accueillis. Ils sont venus travailler dans la ville frontalière de Cizre. Ils ont étudié le français à l'université de Damas et c'est intéressant de pouvoir partager et discuter avec eux de leur situation et sur ce qu'ils vivent.

Voilà maintenant plus de cinq mois que nous voyageons dans ce magnifique pays. Notre ikamet (permis de séjour) touche à sa fin le 22 mars. Il est temps pour nous d'aller découvrir d'autres contrées.

4 commentaires:

Unknown a dit…

Je suis sûre que Seb a été tenté de faire un peu de pêche à la carpe .. ;)

Unknown a dit…

Merci pour le partage, et continuez le plus "yavash yavash" possible. Nous avons hâte que vous preniez le temps sur la suite de votre itinéraire.

Benoit et Céline

Myriam a dit…

Mise à jour tardive... à lire votre itinéraire, vous devriez être à présent à Téhéran ! Envoûtant !

Olivier a dit…

Hey les zouf!
Le rêve est tjs là. Vous avez des photos magnifiques, ça fait plaisir. L'Iran c'est une région riche et vous avez de la chance de faire partie des rares touristes. J'aimerais bien voir si vos fesses sont tjs rondes après tout ce vélo lol.
Si vous voulez que je vous envoie quelque chose faites-moi signe!
La grosse bise.