mardi 10 décembre 2013

Was macht ihr hier?

"Mais, qu'est-ce que vous faites ici?" nous lance le passager d'une jeep dans un allemand moyen. On  réalise assez vite que sa question a du sens puisque nous sommes à pied sur une petite piste boueuse à plus de 1500m d'altitude. Il fait -4 degrés et un vent glacial nous souffle en pleine face...

Un vieil aqueduc romain supportant des sommets enneigés

Quelques jours plus tôt, nous profitions de la ville d'Antalya avec Nina et Tinu, un couple suisse-allemand qui voyage aussi a vélo. Echanges d'informations, d'expériences et de rêves, c'est un plaisir de partager quelques bons moments avec des voyageurs qui vivent la même chose que nous. Depuis là, nous avons quitté la côte pour nous diriger vers le centre du pays et la Cappadoce que l'on aimerait atteindre à Noël.

C'est court 10 secondes de retardateur...

La route traverse un canyon superbe ou une riviere s'écoule entre forêt aux couleurs automnales et sommets déjà soupoudrés de neige. On longe aussi des restes d'aqueducs romains, des petits villages qui attendent les touristes de l'été prochain et des restaurants fermés que nous utilisons comme place de camping. Et puis la route commence à grimper dans le Parc National de Köpürlü Kanyon. Les falaises de roches friables sont comme des immenses puzzles et les petits torrents coulent où bon leur semble. Il pleut un peu et la température descend. On passe une nuit dans l'école abandonnée d'un petit hameau loin de tout où vivent encore 10 familles. Le vent se lève durant la nuit et accompagne notre réveil.

Les gorges du canyon de Köpürlü


On commence alors à grimper sur la piste non asphaltée qui doit nous mener à un col nous permettant ensuite de rejoindre les plateaux anatoliens à plus de 1000m. Assez vite, les cailloux ont raison de nous et il nous faut pousser les vélos. Avec un vent de plus en plus fort, on doit même se mettre à deux pour pousser un vélo et recommencer l'opération avec l'autre. A environ 1 km du sommet, la piste devient boueuse et nos vélos ne peuvent plus avancer. Une seule solution: tout décharger, faire un premier trajet en portant le vélo, redescendre, puis monter une deuxieme fois avec tout notre barda. C'est en redescendant chercher nos sacoches que nous croisons une jeep...

Fini le bitume, faut pousser!

Au col, le vent est presque tempétueux. Avant de recharger nos vélos, il faut les nettoyer de toute la boue qui bloque les roues et qui est maintenant gelée. On y va au couteau suisse après avoir difficilement enlever les roues pour ne pas risquer de les transpercer. A ce moment, nous nous demandons aussi ce que nous sommes en train de faire là. Au moment où, enfin, on peut remonter sur nos vélos, on remarque qu'il nous a fallu 6 heures pour gravir les 8km du col.

Au col, tout semble figé par le froid

La descente a quelque chose d'iréel. Tenaillés par la faim et le froid, on roule dans un décors de roches, de neige et de pelouses alpines. Les gouilles sont gelées tout comme l'eau dans nos gourdes. Le soleil se couche et, ayant chacun cassé ses lumières dans l'opération de nettoyage, il faut atteindre la petite ville de Derebucak avant la nuit. Dans ces conditions, on roule sans trop réfléchir ni trop s'arrêter. Une chute sur un des nombreux cailloux qui marquent la route serait source de pas mal de problèmes. C'est à la fois terriblement dur et terriblement beau. Sorte de masochisme que nous sommes venus chercher (vraiment?) sur ce petit col qui restera longtemps dans nos souvenirs.


Descente grandiose

Après une derniere ligne droite où le vent, toujours glacial et toujours de face, nous ralentit fortement, on finit par atteindre les ruelles sombres de Derebucak. Heureusement, un salon de thé et un vendeur de köfte sont ouverts et nous accueillent mieux que ce qu'on rêvait lorsqu'on était encore en haut en train de nous battre contre le vent et la boue. Ramazan, Ahmed, Mustafa, Hussein et les autres sont aux petit soins avec nous et nous offrent des thés et des rires autour d'un poêle brûlant. On dort dans la maison de Mustafa où une pièce a été spécialement prépareé pour nous avec matelas, couvertures et chauffage (il doit faire dans les 30 degrés lorsqu'on entre dans la chambre!). La chaleur humaine de cette soirée était à la mesure des conditions extrêmes rencontrées durant la journée.

Nos amis de Derebucak  

Nous voilà dans une nouvelle Turquie pour les prochaines semaines. Les températures s'annoncent très hivernales, le vent omniprésent, mais on sait que les moyens de se réchauffer sont nombreux et qu'à chaque détour, l'hospitalité turque peut nous surprendre.

6 commentaires:

Camille a dit…

Bravo à vous!!
Toujours un plaisir de vous suivre! On vous embrasse!
Camille, Zélie, Antoine, Jérémie et Maxime

Alain a dit…

Je vois qu'il y en a d'autres qui gouttent au plaisir de la route non-asphaltée et au poussage de vélo dans les montées... ;-)

On vous souhaite tout de bon pour les semaines à venir depuis la Patagonie où le vent ne manquera probablement pas de nous rendre aussi la vie difficile certains jours...

Saludos ,
Camille et Alain

Myriam a dit…

"Je n'ai pas peur de la route
Faut la voir, faut qu'on y goûte
Des méandres au creux des reins
Et tout ira bien

Le vent l'emportera

Le vent nous porter

Le vent les portera"

(Noir Désir)
http://www.youtube.com/watch?v=NrgcRvBJYBE

Nina et Tinu a dit…

Wow! Unglaubliche Bilder! Geniesst Kappadokien für uns! Liebe Grüsse aus Istanbul, Nina und Tinu

Mathieu a dit…

Hey les cyclistes ! C'est toujours un plaisir de suivre vos aventures ! Vos récits sont très bien faits et les photos superbes et vivantes; ça nous fait voyager avec vous ! Je pense qu'à votre retour vous pourriez envisager qq viédo/photo-conférences:-)
J'en profite pour vous souhaiter de bonnes Fêtes !
Salutations d'Yverdon-sous-Brouillard
Mathieu

Unknown a dit…

Une étape bien extrême :) Oublie pas que les expériences les plus intenses et les plus difficiles sont celles qui te resteront le plus, et un jour tu raconteras ça à tes petits enfants!

Rien de tel que le réconfort après l’effort:)