Apres
six semaines sans nos Papillons, on est ravi de les retrouver pour
parcourir les derniers kilomètres qui nous mènent vers la Chine. A
nouveau sur les contreforts du Pamir, nous vivons une de nos journées
les plus belles du voyage avec un décor de montagnes blanches
majestueuses et merveilleuses. D'émerveillement en exclamations,
extase et magie nous bercent sur ce haut plateau.
Le
passage de la frontière se fait en plusieurs étapes. On doit
passer deux fois nos sacoches au rayon X et montrer nos passports un
nombre incroyable de fois.
140km
se font obligatoirement en taxi. Nous sommes trois cyclistes pour un
petit coffre et un chauffeur sûr de lui... Nous assistons à la fabrication en direct d'un "sandwich de vélos". Un peu d'appréhension mais tout se passe bien, heureusement que la route a été refaite récemment. Grâce à un Bernois croisé au poste suivant, on pedale nos premiers kilomètres en Chine un Ricola en bouche.
On
file sur l'autoroute, sans vraiment s'en rendre compte. Après
une nuit sous la route (barbelés empêchant un bivouac plus
lointain...), on atteint Kashgar, ville mythique de la
route de la Soie. On en avait entendu des remarques plutôt
négatives, mais on doit dire qu'avec nos yeux à s'émerveiller de
tout, on est fasciné par l'endroit, et surtout par la vie qui se
dégage ici.
Tout
est nouveau en Chine, à commencer par la langue et l'écriture. Les
accents et intonations sont difficiles à apprendre. Quand on nous
demande d'où on vient, ou plutôt lorsqu'on imagine qu'on nous pose
cette question, il n'y a que de rares fois où la réponse est
comprise à l'oral, on finit donc par montrer le mot écrit, ils le
disent, et on doit dire qu'on avait l'impression de dire pareil. Il
faut croire que non.
Le
marché de nuit est une belle decouverte. Une place sans
prétention la journée se transforme en vrai rassemblement le soir.
Arrivent de je ne sais où divers stands de nourritures dont les
proprietaires crient pour attirer les nombreux Chinois qui viennent
souper là. Des jeunes, des moins jeunes, des enfants, des hommes,
des femmes, chacun trouve sa place dans ce capharnaum harmonieux et
déambule à travers les stands et les petites tables disposées en
se demandant ce qu'il pourra bien goûter.
Des
nouilles de toutes sortes aux sauces délicieuses, LA fondue chinoise
version géante dans laquelle tu choisis tes brochettes, champignons
aux formes abracadabrantes, tofu, légumes, viandes, poissons, fleur
de lotus. Aussi du riz, des pois chiches, des mais, et des brochettes
dont je ne préfère parfois pas savoir la contenance. Au total, un
grand choix végétarien, ce qui n'est pas pour me déplaire, après
l'Asie centrale. On finit par du melon ou de la pastèque vendus à
la tranche.
Dans
certains restaurants, il y aussi les plats au wok.Toutes sortes de
produits frais sont présentés, tu mets ce que tu veux dans un bol,
et on te les cuisine de facon savoureuse, toujours.
Et
tout ca, à deguster avec les baguettes bien sur. L'eau
chaude (et parfois le thé) sont également servis de facon
automatique sur les tables.
Kashgar,
le dimanche, c'est aussi le marché aux bestiaux le plus grand d'Asie
centrale. Des milliers de vaches, taureaux, moutons, chèvres, ânes,
chevaux, poules, dromadaires et chameaux se cotoient. Ca crie, ca
marchande, ca mange, ca crache, ca teste les montures, ca tâte les
bêtes, ca klaxonne. C'est intéressant d'assister à ce genre de
marché qui non plonge dans un monde totalement différent, mais
c'est aussi difficile pour moi de voir ces animaux qu'on suspend,
qu'on attache, qu'on tire, et qui n'ont pas l'air vraiment heureux...
comment le pourraient-ils d'ailleurs.
Les
meilleurs à observer sont les chameaux, avec leur air nonchalant et
une sorte de passivité dans leur attitude.
Puis,
pour se reposer de toute cette agitation, on se perd dans les ruelles
de ce qui reste du vieux Kashgar où on peut observer des hommes
fabriquant des clous à la main, d'autres sculptant le bois pour en
degager des beaux petits objets. Aussi
des "magasins de magicien", chacun tenu par un vieux
monsieur avec une barbe frisée blanche et un chapeau. De nombreux
pots remplis de produits spéciaux comme des serpents séchés, des
lézards ou des carapaces de tortues.
C'est
vivant, et on aime s'impréegner de ces ambiances, et l'arrière fond
en immeubles modernes n'y change rien.
Chaque
pays a ses particularités. Un de la Chine, et pas le moins important
pour les petits et lents cyclistes que nous sommes, est sa taille
(environ 230 fois la Suisse...). On a eu besoin de 2 semaines pour
traverser la Suisse, je vous laisse calculer le temps qu'il nous
faudrait pour la Chine...
On
expérimente donc le train couchettes puis les "hard seat",
ou c'est bondé en cette semaine de vacances nationales (moins
drôle...) pour les 50 heures de traversée du désert du Taklamakan.
On finit par un bus couchettes pour atteindre la ville Yushu à 3680
mètres, près de la frontière du Tibet. Après un an en pays
musulman, le contraste est de taille. On est comme propulsé dans un
autre monde.
Sur
les versants des montagnes, de part et d'autres d'une rivière, sur
les cols, des guirlandes multicolores de drapeaux de prières
flottent au vent, celui-ci envoyant et propageant les prières par
delà les vallées et montagnes.
Leurs couleurs signifient rouge pour le feu, blanc pour l'espace, jaune pour la terre, bleu pour l'eau et orange ou vert pour la forêt, les arbres et les cultures. |
Sur
les routes, on a parfois l'impression que le klaxon est connecté a
l'accélerateur... Pour avertir de dépassement,
en cas de croisement, s'il n'y a pas de visibilité,
pour dire bonjour, toute occasion est bonne d'utiliser cet
instrument. Si c'est une signe de sagesse que d'y être indifférent,
et bien j'ai encore du travail.
On
monte sur le plateau tibétain, à plus de 4000 mètres où les
vaches laissent place aux yacks et aux nomades. On roule une
bonne semaine là haut. On pensait avoir atteint un maximum
d'altitude au Pamir, mais non, la vie, ou plutôt la route, réserve
toujours des surprises. On grimpe, on grimpe pour atteindre un col
coloré à 4700 mètres. Des moines sortent de leurs voitures et
jettent des poignéees de petits papiers recouverts de prières qui
s'envolent au vent.
Les
rapaces à l'envergure immenses volent au-dessus de nous. Les chiens
de terrier sortent la tête et
nous observent par centaines dans ces grandes prairies.
Un
grand nombre de routes sont en construction, hommes et femmes
travaillant ensemble. C'est la première fois qu'on voit des femmes
travailler dans ce type de tâche, à l'équivalent des
hommes. Lorsqu'on
traverse des villages, on observe souvent les gens qui travaillent
ensemble à la construction de nouvelles maisons. Le travail
collectif a l'air d'être de mise.
Le long de la route, on peut admirer un grand nombre de monasteres, ou gompa, accroches sur les montagnes avec leurs toits dores et leurs nombreuses maisons alentourspour les moines. |
On
laisse nos vélos dans la ville de Maniggango, atteinte en
camion-stop - on aime bien varier les moyens de transport -, pour se
rendre à Dege par une piste sublime, aux longues courbes, pour
atteindre un col à plus de 5000 mètres. A Dege, on peut
visiter une des trois plus importantes imprimeries tibetaines du
monde qui existe depuis le debut du 18e siècle. Des hommes y
travaillent par groupe de quatre. L'un s'occupe qu'il y ait toujours
un papier ou un tissu d'impression, un autre va chercher les presses
qui sont rangées dans des grands étalage sombres et les deux
derniers s'occupent de l'impression elle-même. Leurs gestes sont
rapides et précis, pour mettre le papier, étaler l'encre, passer un
coup de rouleau et retourner les papiers pour imprimer l'autre face.
Leur corps bouge d'avant en arrière en récitant des mantras. Ils ne
sont que très peu payés mais ce travail est considéré comme très
positif pour le Karma.
Par
paire, ils peuvent imprimer plusieurs milliers de feuilles par jour.
Un
après-midi, on trouve une piscine chaude naturelle à côté d'un
monastère. On en profite pour se doucher et faire notre lessive,
comme les locaux et moines qui se frottent le dos parmi. L'eau est
claire, mais les alentours sont jonchés de déchets.
Il
faudrait revenir dans 20 ans pour voir comment cela évolue.
Avant
la ville de Litang, on rencontre trois cyclistes chinois se rendant a
Lhassa. Ils
sont beaucoup à faire cette route mythique. Nous voyons toutes
sortes de pélerin, entre les vielles dames avec un gros sac et ceux
qui se prosternent à chaque pas avec des plaquettes de bois sur les
genoux et les mains pour se protéger.
Là,
nous avons le choix entre un col en piste poussiéreuse ou un tunnel
en construction. Ces trois ont l'air de savoir ce qu'ils font et nous
les suivons dans ce souterrain. Des machines, quelques personnes au
travail, des trous, beaucoup d'eau qui coule, peu de lumière, mais
après 3km, nous sommes contents de retrouver la lumière du jour!
De
là, il nous faut à nouveau prendre les transports pour descendre
plus au sud dans la province du Yunnan, notre visa expirant bientôt,
il faut trouver une ville pour le prolonger. Des trajets superbes
avec nos vélos sur le toit ou dans un coffre. Des champs de
pierres, des
mélèzes orangés de toute beauté, des gorges profondes, des
cols, ce n'est jamais vraiment plat par ici.
Apres
deux jours de trajets, on atteint la ville de Shangri La, à la
frontière de cette nouvelle province.
2 commentaires:
Merci pour votre message qui nous fait voyager au saut du lit! Ici aussi les mélèzes sont magnifique, un peu moins depaysants tout de même...;-)
Bon courage pour vos visas !
Des bisous de nous 5!
Camille
Salut les loulous!
Vous vous rendez compte que vous faites vraiment rêvé...
Je sais pas combien de temps je vais encore tenir avant de me lancer aussi sur cette route.
Manchez chinois c'est bon!!!
Gros becs
Colin
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